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SCÈNE XIV.
à vous. — Prenez-le, non comme protecteur, intendant, substitut, — administrateur subalterne pour le compte d’un autre, — mais comme un légitime héritage transmis — de génération en génération, comme votre empire, votre bien ! — C’est dans ce but que, de concert avec ces citoyens, — vos très-respectueux et dévoués amis, — et à leur ardente instigation, — je viens pour une cause si juste émouvoir votre grâce.
RICHARD.

— Je ne sais ce qui convient le mieux à mon rang ou à votre situation, — que je me retire en silence — ou que je vous réponde par des reproches amers. — Si je ne réplique pas, vous pourrez peut-être croire — que mon ambition, en liant ma langue, consent facilement — à porter le joug doré de la souveraineté — que vous voudriez follement m’imposer ici. — Si, d’un autre côté, je vous reproche cette demande — à laquelle se mêle une si sincère affection pour moi, — je rebuterai mes amis. — Donc, pour parler et éviter le premier danger, — et aussi pour ne pas encourir le second en parlant, — voici définitivement ma réponse (59). — Votre amour mérite mes remercîments, mais mon mérite — sans valeur n’est pas à la hauteur de votre requête. — D’abord, quand tous les obstacles seraient tranchés, — quand j’aurais devant moi un sentier tout tracé vers la couronne — pour recueillir les droits mûrs de ma naissance, — pourtant telle est ma pauvreté d’esprit, — si forts, si nombreux sont mes défauts, — que j’aimerais mieux me dérober à ma grandeur, — frêle barque impuissante à tenir la mer, — que de m’exposer à sombrer dans ma grandeur même, — abîmé dans les vapeurs de ma gloire. — Mais, Dieu merci, je ne suis pas nécessaire : — car, si je l’étais pour vous aider, — bien des choses me seraient nécessaires. — L’arbre royal nous a laissé un royal fruit — qui, mûri