Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 4.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
INTRODUCTION.

bien-aimée, et il lui suffira de la croire infidèle pour qu’il bannisse toute courtoisie et toute franchise ; il attirera Héro dans un guet-apens, et il l’amènera jusqu’à l’autel afin de l’écraser publiquement sous une calomnie.

En voici un autre : Léonte. Celui-là est plus qu’un favori ; c’est un roi. Il est la Majesté vivante ; il a pour titre la Grâce, et, quand il passe, les peuples se prosternent devant lui comme devant l’image de la divinité. Ce personnage auguste a épousé l’auguste fille d’un empereur. À le voir placé si haut, on le croirait inaccessible aux passions. Mais non ; la jalousie monte les degrés d’un trône aussi aisément que la mort. Elle n’a qu’à chuchoter à l’oreille de ce roi ; et aussitôt Léonte, qui était le prince des sages, deviendra le dernier des criminels. Il tentera d’empoisonner son ami d’enfance, et il fera dresser le bûcher pour y jeter sa femme et sa fille.

Ce quatrième est un chevalier breton du nom de Posthumus. Orphelin de naissance, Posthumus a été recueilli et élevé par le roi de Bretagne, Cymbeline, qui l’a fait de sa chambre. Tout jeune, « il aspirait la science comme l’air ; dès son printemps, il a fait moisson. Pour la jeunesse, c’est un modèle ; pour l’âge mûr, c’est un miroir où les hommes faits se rajustent. » Tel est son mérite, à ce chevalier, que la fille même du roi n’a pas cru se mésallier en l’épousant. Eh bien, malgré cette preuve irrécusable d’affection, il suffira de je ne sais quelle fable pour que Posthumus éprouve, comme Léonte et comme Troylus, les éblouissements du meurtre. Lui, l’honnête homme, il se fera faussaire pour entraîner Imogène dans un piége ; il s’improvisera brigand ; et, pour que sa femme ne soit pas assassinée, il faudra que son serviteur lui désobéisse.

En voici encore un. Saluez ! c’est un capitaine more que la grande république de Venise oppose aux formida-