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TROYLUS ET CRESSIDA.

PANDARUS.

Il faut que tu partes, fillette, il faut que tu partes. Tu es échangée contre Anténor. Il faut que tu retournes à ton père et que tu quittes Troylus. Ce sera sa mort ; ce sera sa ruine ; il ne pourra pas supporter cela.

CRESSIDA.

— Ô dieux immortels !… je ne m’en irai pas.

PANDARUS.

Tu le dois.

CRESSIDA.

— Je ne le veux pas, mon oncle. J’ai oublié mon père. — J’ignore le sentiment de la famille. — Pas de parent, pas d’affection, pas de sang, pas d’âme qui soit aussi proche de moi — que mon doux Troylus !… Ô vous, dieux du ciel ! — faites du nom de Cressida la couronne de la fausseté — si jamais elle abandonne Troylus ! Temps, violence, et toi, mort ! — faites à ce corps tous les outrages que vous voudrez ; — mais la base de mon amour est aussi ferme et aussi puissante que le centre de la terre, — qui attire tout à lui… Je vais rentrer et pleurer.

PANDARUS.

Va, va.

CRESSIDA.

— Et arracher mes beaux cheveux, et lacérer mes joues si vantées, — et briser ma voix limpide avec des sanglots, et rompre mon cœur — à crier : Troylus ! Je ne veux pas partir de Troie.