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INTRODUCTION.

d’Iphigénie ! Shakespeare prit les Scudérys au mot, et il fit Troylus et Cressida.

À mes yeux, Troylus et Cressida est autant une œuvre polémique qu’une œuvre dramatique, moins une épopée qu’une satire. Est-ce à dire que l’auteur a méconnu de parti pris ce qu’il y avait de réellement admirable dans les figures antiques ? Non, car il a laissé au vaincu Hector toute sa noblesse traditionnelle, et il a fait Cassandre aussi majestueusement sinistre que l’avait rêvée Eschyle. Seulement, il a voulu retirer aux types classiques un prestige qui devenait dangereux pour la liberté de l’art ; il a voulu désarmer cette critique rétrograde qui prétendait imposer à l’avenir l’idolâtrie du passé ; il a voulu protester d’avance contre une réaction littéraire dont il pressentait les excès. Il a voulu prouver que ces personnages demi-divins étaient faits de chair et de sang comme nos pères, les barbares du Moyen Âge ; et que, nous touchant de moins près que ceux-ci, plus éloignés de nos croyances et de nos mœurs, ils devaient moins nous intéresser. L’Iliade, traduite en anglais par Georges Chapman, avait été publiée dès 1592. On ne peut donc pas prétendre, comme l’a fait Schlegel pour excuser la hardiesse de Shakespeare, qu’il ignorait l’œuvre du poète grec. C’est bien Homère qui a inspiré à Shakespeare cette scène bouffonne où Thersite est battu par Ajax. C’est bien Homère qui, le premier, nous a montré Hector défiant les chefs de la Grèce à ce combat singulier dont Shakespeare a fait un tournoi. N’atténuons pas la témérité de l’auteur. C’est bien sciemment qu’il a embauché dans son répertoire les personnages principaux de l’Iliade, Agamemnon, Ménélas, Achille, Patrocle, Ulysse, Diomède, Priam, Pâris, Hector, Andromaque. Hélène, et que, de ces héros futurs de Racine et de Vol-