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SCÈNE I.
répondu pour Cupidon, et l’a défié à l’arbalète. — Dites-moi, combien d’êtres a-t-il tués et mangés dans cette guerre ? Mais d’abord, combien en a-t-il tué ? Car j’ai promis de manger tout ce qu’il tuerait.
LÉONATO.

Ma foi, nièce, vous chargez trop le signor Bénédict ; mais il vous ripostera, je n’en doute pas.

LE MESSAGER.

Il a rendu de grands services, madame, dans cette guerre.

BÉATRICE.

Vous aviez des vivres moisis, et il a aidé à les manger. C’est un vaillant écuyer… tranchant. Il a un excellent estomac.

LE MESSAGER.

C’est aussi un bon combattant, belle dame.

BÉATRICE.

Oui, un bon combattant devant une belle ! Mais qu’est-il devant un brave ?

LE MESSAGER.

Brave devant un brave, homme devant un homme ; il est rempli de toutes les vertus honorables.

BÉATRICE.

Farci, vous voulez dire : ces vertus-là ne sont que de la farce… Après tout, nous sommes tous de simples mortels.

LÉONATO, au messager.

Monsieur, ne méjugez pas ma nièce : il y a une espèce de guerre joyeuse entre le signor Bénédict et elle : ils ne se rencontrent jamais, qu’il n’y ait entre eux escarmouche d’esprit.

BÉATRICE.

Hélas ! il n’y gagne rien. Dans notre dernier combat, quatre de ses cinq esprits (18) s’en sont allés tout éclopés,