Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 4.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
234
BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN.
image, il ne dit rien : l’autre est trop comme le fils aîné de la maison, il bavarde toujours…
LÉONATO.

Ainsi la moitié de la langue du signor Bénédict dans la bouche du comte Juan, la moitié de la tristesse du comte Juan sur le visage du signor Bénédict…

BÉATRICE.

De plus une belle jambe, le pied sûr, un oncle et une bourse suffisamment garnie : avec tout cela, un homme pourra séduire n’importe quelle femme… pourvu toutefois qu’il lui plaise.

LÉONATO.

Sur ma foi, nièce, jamais tu ne trouveras de mari, si tu as la parole aussi malicieuse.

ANTONIO.

Sous ce rapport, c’est une fille damnée.

BÉATRICE.

Être damné, c’est plus qu’être maudit. Ainsi j’ai trouvé le moyen d’amoindrir le mal envoyé par Dieu, car le proverbe dit : À vache maudite, Dieu envoie courte corne. Mais à vache damnée il n’en envoie pas.

LÉONATO.

Ainsi, parce que tu es damnée, Dieu ne t’enverra pas de cornes !

BÉATRICE.

Non, s’il ne m’envoie pas de mari. Et c’est la grâce que je lui demande à genoux matin et soir. Seigneur, je ne pourrais pas supporter un mari avec de la barbe au visage ; j’aimerais mieux coucher dans de la laine.

LÉONATO.

Tu pourrais tomber sur un mari imberbe.

BÉATRICE.

Qu’en pourrais-je faire ? L’habiller de mes robes, et le prendre pour femme de chambre ? Celui qui a de la barbe est plus qu’un jouvenceau, et celui qui n’en