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SCÈNE V.

DON PEDRO.

Comment ? dites-moi donc comment ? Vous m’intriguez. J’aurais cru son cœur inaccessible à toutes les attaques de l’amour.

LÉONATO.

Je l’aurais juré, monseigneur : surtout à celles de Bénédict.

BÉNÉDICT, à part.

Je prendrais la chose pour une duperie, si elle n’était pas dite par le bonhomme à barbe blanche, à coup sûr la fourberie ne peut se cacher sous tant de majesté.

CLAUDIO, bas.

Il a mordu : enlevez !

DON PEDRO.

A-t-elle fait connaître son affection à Bénédict ?

LÉONATO.

Non, elle a juré de ne jamais le faire : c’est là sa torture.

CLAUDIO.

C’est parfaitement vrai ; votre fille le déclare : Quoi ! dit-elle, après l’avoir si souvent accablé de mes dédains, je lui écrirais que je l’aime !

LÉONATO.

C’est ce qu’elle dit, chaque fois qu’elle se met à lui écrire. Car il lui arrivera de se lever vingt fois dans une nuit, et de rester assise en chemise, jusqu’à ce qu’elle ait écrit une page… Ma fille nous a tout dit.

CLAUDIO.

Vous parlez de page écrite : cela me rappelle une plaisante histoire qu’elle nous a racontée…

LÉONATO.

Oh ! oui. Une fois qu’elle avait fermé sa lettre, elle voulut la relire, et, sous la couverture, elle trouva Bénédict et Béatrice pliés l’un sur l’autre !