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SCÈNE V.

LÉONATO.

Ah ! monseigneur, quand la raison et la passion combattent dans une nature aussi tendre, nous avons dix preuves pour une, que la passion est la plus forte. J’en suis désolé pour elle à juste titre, étant à la fois son oncle et son tuteur.

DON PEDRO.

Si c’était à moi qu’elle eût accordé cet amour, j’aurais rejeté toute autre considération, et j’aurais fait d’elle la moitié de moi-même,

À Léonato.

Je vous en prie, parlez-en à Bénédict, et sachons ce qu’il dira.

LÉONATO.

Serait-ce utile, croyez-vous ?

CLAUDIO.

Héro pense que sûrement sa cousine en mourra : car Béatrice dit qu’elle mourra si Bénédict ne l’aime pas, et elle mourra plutôt que de lui révéler son amour ; enfin, s’il lui fait la cour, elle aimera mieux mourir que de rabattre un mot de son ironie accoutumée.

DON PEDRO.

Elle a raison. Si elle lui faisait l’offre de son amour, il serait très-possible qu’il la rebutât : car l’homme, vous le savez tous, est d’humeur sardonique.

CLAUDIO.

Oh ! c’est un homme fort convenable.

DON PEDRO.

Il a, il est vrai, une physionomie heureuse.

CLAUDIO.

Oui, pardieu ! et, à mon avis, un grand sens.

DON PEDRO.

Il laisse échapper, il est vrai, quelques étincelles qui ressemblent à de l’esprit.