Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 4.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
268
BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN.

CLAUDIO.

Je vous reconduirai jusque-là, monseigneur, si vous me le permettez.

DON PEDRO.

Non, ce serait entacher votre mariage dans l’éclat de sa nouveauté ; ce serait vous traiter comme l’enfant à qui l’on montre son habit neuf en lui défendant de le porter. J’oserai seulement prier Bénédict de m’accompagner : car, du sommet de la tête jusqu’à la semelle de son pied, il est la gaieté même ; il a deux ou trois fois coupé la corde de l’arc de Cupidon, et le petit bourreau n’ose pas tirer sur lui. Son cœur est sonore comme une cloche, et sa langue en est le marteau. Car ce que son cœur pense, sa langue le dit.

BÉNÉDICT.

Ah ! mes vaillants, je ne suis plus ce que j’étais.

LÉONATO.

Je le crois, il me semble que vous êtes plus grave.

CLAUDIO.

J’espère qu’il est amoureux.

DON PEDRO.

Il se ferait plutôt pendre, le truand ! Il n’y a pas en lui une goutte de sang pur qui puisse être agitée par l’amour : s’il est triste, c’est qu’il est sans argent.

BÉNÉDICT.

Je souffre d’une dent.

DON PEDRO.

Arrachez-la.

BÉNÉDICT.

Le diable l’emporte.

CLAUDIO.

Arrachez-la d’abord, vous l’enverrez au diable après.

DON PEDRO.

Quoi ! vous soupirez pour un mal de dent.