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SCÈNE XIII.
jour de ton esprit. Je disais que tu avais l’esprit fin ; c’est vrai, dit-elle, il l’a si mince… Non, disais-je, il a un esprit profond : c’est juste, dit-elle, il l’a si épais !… Nullement, disais-je, il a un bon esprit : c’est exact, dit-elle, il l’a si inoffensif !… Point ! disais-je, il a tant de raison ! C’est certain, dit-elle, il a tant de prudence !… Il possède plusieurs langues, disais-je… Ça, je le crois, dit-elle ; il m’a affirmé lundi soir ce qu’il m’a nié mardi matin : il a la langue double, il a deux langues… C’est ainsi qu’une heure durant, elle a travesti en détail toutes tes qualités ; pourtant, à la fin, elle a conclu, avec un soupir, que tu étais l’homme le plus accompli de l’Italie.
CLAUDIO.

Et elle en a pleuré de tout son cœur, en disant qu’elle ne s’en souciait pas.

DON PEDRO.

Oui, elle a dit cela ; mais je soutiens, en dépit de tout, que, si elle ne le hait pas mortellement, elle doit l’aimer follement. La fille du vieillard nous a tout dit.

CLAUDIO.

Tout, tout, et d’ailleurs, comme dit l’Écriture, Dieu le vit quand il était caché dans le jardin.

DON PEDRO.

Ah çà ! quand mettrons-nous les cornes du taureau sauvage sur la tête du sensible Bénédict ?

CLAUDIO.

Oui, avec cet écriteau au-dessous : Ici demeure Bénédict, l’homme marié.

BÉNÉDICT, à Claudio.

Au revoir, enfant ! vous savez ce que je veux dire ; je vous laisse pour le moment à votre humeur causeuse : vous brisez les mots comme un fanfaron les lames, sans faire de mal, Dieu merci !