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LE CONTE D’HIVER.

POLIXÈNE.

Eh bien, monseigneur ? — Qu’éprouvez-vous ? Comment vous trouvez-vous, mon frère le plus cher ?

HERMIONE.

Vous semblez — garder un front bien soucieux ; — auriez-vous quelque émotion, monseigneur ?

LÉONTE.

Non, bien réellement… — Comme parfois la nature trahit sa niaiserie — et sa sensibilité au risque d’être la risée — des cœurs endurcis ! En observant les traits — du visage de mon enfant, il m’a semblé que je rajeunissais — de vingt-trois ans ; je me voyais sans culottes, — dans ma cotte de velours vert, avec ma dague muselée, de peur qu’elle ne mordît son maître et ne lui devînt — funeste comme le deviennent souvent les ornements. — Combien, à mon idée, je ressemblais à ce pépin, — à cette petite citrouille, à ce gentilhomme !

À Mamilius,

Mon honnête ami, — voudriez-vous prendre des vessies pour des lanternes ?

MAMILIUS.

Non, monseigneur ; j’aime mieux me battre.

LÉONTE.

— Vous, vous battre !… Alors, puisse-t-il avoir de la chance !…

À Polixène.

Mon frère, — êtes-vous aussi fou de votre jeune prince que nous — semblons l’être du nôtre !

POLIXÈNE.

Chez moi, seigneur, — il est tout mon exercice, toute ma joie, tout mon souci ; — tantôt mon ami juré, et tantôt mon ennemi ; — mon parasite, mon soldat, mon homme d’État, tout ! — Il rend un jour en juillet aussi court qu’en décembre ; — et, par ses caprices enfantins,