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LE CONTE D’HIVER.

LÈONTE.

Un nid de traîtres !

ANTIGONE.

— Traître, je ne le suis pas, par cette lumière sacrée !

PAULINE.

Ni moi ; ni aucun de ceux qui sont ici ; — hormis un seul ! Et c’est lui !

Elle montre Léonte.

Car c’est le roi lui-même — qui livre l’honneur sacré du roi, de la reine, — de son fils, plein d’avenir, et de cette enfant même, à la calomnie — dont la pointe est plus aiguë que celle de l’épée : il ne veut pas, — (et c’est un malheur dans ce cas — de ne pouvoir l’y obliger,) il ne veut pas arracher — la racine d’une opinion qui est aussi pourrie — que le chêne et la pierre sont valides !

LÉONTE.

Une caillette — à la langue intarissable, qui vient de battre son mari, — et qui maintenant me harcèle !… Ce marmot n’est point de moi ; — il est la progéniture de Polixène. — Qu’on l’emporte, et qu’en même temps que sa mère, — on le livre aux flammes !

PAULINE.

C’est votre enfant, — et nous pourrions vous appliquer le vieux dicton : — Il vous ressemble tant que c’est tant pis ! Regardez, messeigneurs, — si, tout petits que sont les traits, ce n’est pas absolument — l’image du père : ses yeux, son nez, sa lèvre, — le pli de son sourcil, son front ; oui, jusqu’à la vallée — de son menton, jusqu’aux jolies fossettes de ses joues ; et son sourire ; — et la forme, le modèle même de sa main, de son ongle, de son doigt !… — Bonne déesse nature qui a fait cette enfant — si semblable à son père, si c’est toi — qui doit aussi former son esprit, ne le laisse pas se colorer — des