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INTRODUCTION.

amené, de la façon la plus plate, par la rétractation du coupable qui, dans un instant de repentir, révèle le complot ourdi par lui-même contre Fénicie ; chez Shakespeare, toute la conspiration est découverte par les deux watchmen, et l’instruction judiciaire à laquelle elle donne lieu forme un des épisodes les plus comiques qui aient jamais été mis en scène.

Ce n’est pas tout. Où donc, dans la nouvelle italienne, est toute cette seconde intrigue qui, en dépit des partisans absolus de l’unité de l’action, a fait le succès inouï de Beaucoup de bruit pour rien ? Où donc sont ces deux personnages qui, encore aujourd’hui, attirent irrésistiblement la foule au théâtre de Shakespeare ? Où donc est cette Béatrice dont l’esprit railleur et le cœur tendre nous font rêver à je ne sais quelle idéale Diana Vernon ? Où donc est son amoureux bourru, son détracteur enthousiaste, son ennemi bien-aimé, cet inimitable Bénédict, qui faisait, il y a cent ans à peine, le désespoir et le triomphe de Garrick ? D’où viennent ces fiancés ironiques qui font un contraste si charmant avec Héro et Claudio, ces fiancés pathétiques ? D’où sortent ces amants querelleurs qui se maudissent par antiphrase, et dont la brouille et le raccommodement amuseront à jamais l’esprit humain ? Ah ! ce n’est pas de la fable italienne. Ce Roméo de la raillerie, cette Juliette de l’amour, sont bien nés du génie anglais. Et voilà pourquoi tous deux sont encore si vivants, et voilà pourquoi, après deux siècles et demi, leur verve n’a pas vieilli. Shakespeare leur a mis aux lèvres l’inextinguible rire homérique.

III

Nous voici devant une œuvre que l’Allemagne a placée depuis longtemps parmi les plus belles créations du maî-