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SCÈNE XIII.
même où a péri leur maître ; en sorte que tous les instruments qui avaient aidé à exposer l’enfant étaient déjà perdus, quand elle a été trouvée. Mais, dans l’âme de Pauline, oh ! quel noble combat entre la joie et la douleur ! Tantôt son regard est abattu par la perte de son mari, tantôt il est tourné vers le ciel à l’idée de l’oracle accompli. Elle soulève de terre la princesse et la serre dans ses bras comme si, par crainte de la perdre, elle voulait la river à son cœur !
PREMIER GENTILHOMME.

Cette scène majestueuse méritait des princes pour spectateurs, comme elle avait des rois pour acteurs.

TROISIÈME GENTILHOMME.

Un des traits les plus touchants, un trait qui a fait la pêche dans mes yeux, et en a tiré l’eau, sinon le poisson, a été, pendant le récit détaillé de la mort de la reine (franchement avouée et déplorée par le roi), l’attention de plus en plus poignante de sa fille. Après avoir donné successivement tous les signes de la douleur, elle a fini par pousser un hélas ! et, je puis le dire, par saigner des larmes ; car je suis sûr, quant à moi, que mon cœur pleurait du sang. Alors celui même qui était le plus de marbre a changé de couleur, plusieurs se sont évanouis ; tous ont sangloté ; si le monde entier avait pu voir cela, le deuil eût été universel.

PREMIER GEINTILHOMME.

Sont-ils retournés à la cour ?

TROISIÈME GENTILHOMME.

Non. On a parlé à la princesse de la statue de sa mère, qui est confiée à la garde de Pauline ; ce travail a occupé plusieurs années et vient d’être achevé par ce grand maître italien, Jules Romain, qui, s’il possédait l’éternité et s’il pouvait donner le souffle à son œuvre, ferait la besogne de la nature, tant il la singe parfaitement. Il a