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LE CONTE D’HIVER.

PAULINE.

— Il ne faut plus que vous la regardiez : peut-être — tout à l’heure vous figureriez-vous qu’elle se meut.

LÉONTE.

Soit ! soit ! — Je voudrais être mort, n’était que déjà il me semble… — Qui est-ce qui a fait cela ?… Voyez, monseigneur ! — ne croiriez-vous pas que cela respire, et que ces veines — contiennent vraiment du sang ?

POLIXÈNE.

C’est fait magistralement ! — La vie même semble toute chaude sur ces lèvres.

LÉONTE.

— La fixité de ce regard a je ne sais quel mouvement, — suprême moquerie de l’art !

PAULINE.

Je vais tirer le rideau ; — monseigneur est à ce point transporté — qu’il croira tout à l’heure que cela vit !

LÉONTE.

Oh ! douce Pauline, — fais-le-moi croire pendant vingt ans de suite : — toutes les froides raisons du monde ne valent pas — le bonheur de cette folie-là. Laisse-moi voir !

PAULINE.

— Je suis fâchée, seigneur, de vous avoir tant ému, et je craindrais — de vous affliger davantage.

LÉONTE.

Continue, Pauline ; — car cette affliction m’est aussi douce — que la consolation la plus cordiale !… Pourtant il me semble — qu’il vient d’elle un souffle… Quel ciseau superbe — a jamais pu tailler une haleine ? que nul ne se moque de moi, — je veux l’embrasser !

PAULINE.

Contenez-vous, mon bon seigneur ! — Le vermillon est encore humide sur sa lèvre ; — vous allez le gâter