Pour ces bons offices de procureur vous serez damné un jour, mon oncle !
Moi ! damné ! Ma foi, je m’attends à l’être : en conscience, je crois que je le serai. Oui, si un homme doit être damné pour avoir rendu service, comme tu dis, je cours de grands risques.
Eh bien ! je ne veux pas voir le prince Troïlus ! je ne veux pas être complice de votre damnation.
Comment ! ne pas voir le prince Troïlus ! mais je me suis engagé, j’ai promis, j’ai donné ma parole. Je me soucie bien d’être damné ! Laisse-moi tranquille avec ta damnation ! La damnation n’est rien pour moi à côté de ma parole ! Si je suis damné, ce sera pour toi une damnation fructueuse ; tu seras mon héritière. Allons ! tu es une vertueuse fille ! tu m’aideras à tenir ma parole ! tu verras Troïlus !
Le risque est trop grand.
Aucun risque sérieux. Ta mère à couru ce risque-là pour toi ; tu peux bien le courir pour mon petit-neveu à venir.
Considérez seulement mes inquiétudes. Le prince Troïlus est jeune…
Oui, morbleu, il l’est ; ce n’est pas là un sujet d’inquiétude, j’espère ; l’inquiétant, ce serait qu’il fût vieux et faible.
Et moi, je ne suis qu’une femme !
Rien d’inquiétant à cela. Tu es une femme, et il est un homme ! Eh bien ! mets-les ensemble ! mets-les ensemble !
Ne suis-je pas bien fragile ?
Toute mon inquiétude, c’est que tu ne le sois pas : il faut que tu sois fragile ; toute chair est fragile.
Comment ! vous, mon oncle, pouvez-vous donner de pareils conseils à la fille de votre propre frère ?
Quand tu serais mille fois ma fille, je ne pourrais pas faire mieux pour toi. Qui donc veux-tu avoir, fillette ? Il est prince, jeune prince, et jeune prince amoureux ! Tu m’appelles ton oncle ! Par Cupidon, je suis un père pour toi. Rentre, rentre, fille, je l’entends qui vient… Et vous entendez, ma nièce ! je