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APPENDICE.

cousine laquelle m’a pris, je vous dis de Brisaïda, dont moult me déplaît. » Comme Pandaro ouit nommer celle-là, tout en riant lui dit : « Ami cher, pour Dieu, ne vous déconfortez point. Amour a mis votre cœur en tel lieu qu’il ne le pouvait mieux loger, pour ce vraiment qu’elle vaut trop en courage, en beauté, en douceur, en gracieuseté, en honneur et en noblesse. Vous êtes digne d’avoir une telle dame, et elle d’avoir un tel ami. Et de ma part y emploierai tout mon engin et entendement. Ma cousine est veuve et désireuse comme autres, et, quand elle me dirait le contraire, je ne l’en croirais pas. Et pour ce que je vous connais et vous et elle, et êtes discrets et sages, à chacun de vous puis complaire et donner un pareil confort ; et vous le devez tenir couvert, et elle, ainsi que d’une chose qui jamais ne fut. » Troylus saillit hors légèrement du lit, et commença à accoler et baiser Pandaro sur le cou en jurant aprement que toute la guerre des Grieux avec leurs triomphes ne lui saurait méfaire après cet amour qui si fort le serre, et lui dit : « Pandaro, mon ami, je m’en recommande à vous ; vous êtes celui qui savez qu’il faut pour mettre fin à mes douleurs. »

Pandaro, volontereux de servir le jeune seigneur, lequel il aimait moult, s’en alla en la maison où Brisaïda était, laquelle, quand elle le vit venir, se leva droite et lui alla à l’encontre en le saluant de loin, et Pandaro elle, ; puis la prit par la main et la mena en une galerie qui là était. Et si se prit à lui regarder son beau visage sans mouvoir ses yeux. Brisaïda, qui se vit ainsi regarder, lui dit en souriant : — « Cousin, ne m’avez-vous vue autrefois que ainsi me regardez ? » À qui Pandaro répondit : « Je sais bien qu’autrefois vous ai vue, et ai intention de vous voir encore ; mais vous me semblez trop plus belle que jamais vous visse, et