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CINQUANTE-SIXIÈME HISTOIRE TRAGIQUE.

suis marri de votre fait, n’en voulant votre vengeance que votre confession. Ce que je vous requiers est tant pour votre acquit que pour le mien : c’est que, puisque Fénicie a été diffamée par notre moyen, ce soyons aussi nous deux qui lui restituons sa bonne renommée, tant envers ses parents que tout le peuple de Messine ; autrement jamais je n’aurais plaisir au cœur, me semblant que toujours j’aurais son ombre devant mes yeux, laquelle me reprocherait ma déloyauté ! — C’est à vous, Monsieur, dit Gironde, à me commander, et à moi à vous obéir ; c’est à vous à qui honneur est dû pour votre courtoisie, et à moi vitupère à cause de ma perversité qui ai trahi le meilleur chevalier qui vive : et disait ceci avec tel crève-cœur que Timbrée ému à compassion le prit par la main disant : Laissons ces propos, mon frère, et allons visiter les parents de la défunte, sur le tombeau de laquelle ils se jetèrent tous deux, lui requérant merci. Puis prirent le chemin du logis de Lionato, lequel dînait avec plusieurs de ses parents, et, sitôt qu’il entendit que ces deux seigneurs lui voulaient parler, leur vint au-devant et les recueillit fort gracieusement. Aussi dès qu’ils fussent assis, le comte raconta la douloureuse histoire qui avait causé la mort avant saison de l’innocente Fénicie ; et le récit fini, lui et son compagnon, se jetèrent aux pieds des parents, leur requérant pardon d’une méchanceté si grande, et forfait tant abominable. Le bon gentilhomme Lionato les embrassa amoureusement, leur pardonna de bon cœur, louant Dieu de ce que sa fille reconnue pour innocente. Timbrée, après plusieurs propos, dit à son beau-père failli et qui le fut bientôt après : « Mon père, puisque la fortune n’a point voulu que je fusse votre gendre, je vous prie néanmoins de me tenir pour fils et user du mien comme de ce qui est vôtre, et verrez à l’effet que le cœur n’est en rien éloigné