Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 4.djvu/552

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
548
APPENDICE.

dit-il avec douceur, êtes-vous devenue moins volontaire et assez raisonnable pour préférer l’amour d’un roi à l’affection d’un chevalier ? Fawnia : « L’honnêteté doit être préférée à l’honneur. J’ai promis à Méléagrus de l’aimer, et je tiendrai parole. » Pandosto : « Fawnia, tu es en mon pouvoir, et pourtant tu me vois suppliant ; je puis te forcer par la violence, et pourtant je t’implore avec prières. Accorde ton amour à celui qui brûle d’amour pour toi : Méléagrus sera délivré et tu seras aimée et honorée. » Fawnia : « Je le vois, Pandosto, là où la luxure règne c’est une misérable chose d’être vierge ; mais sachez que j’aime mieux la mort que le déshonneur. » Voyant que Fawnia était déterminée à aimer Méléagrus et à le détester, Pandosto s’éloigna d’elle avec rage, jurant que si bientôt elle ne cédait pas au raisonnement, il la forcerait à tout accorder par la rigueur.

Sur ces entrefaites, Egistus avait appris par des marchands de Bohême que son fils Dorastus était tenu en prison par Pandosto ; il pensa que ce qu’il avait de mieux à faire était d’envoyer au plus vite une ambassade pour demander à Pandosto de délivrer Dorastus et de mettre à mort Fawnia et son père Porrus. En apprenant l’arrivée des ambassadeurs, Pandosto alla au-devant d’eux en personne et les reçut avec la courtoisie la plus somptueuse et la plus cordiale, pour leur montrer combien il était désolé des affronts qu’il avait jadis faits à leur roi et combien il était désireux de les réparer. Pandosto leur ayant raconté comment un certain Méléagrus, chevalier transpolonais, était arrivé récemment, d’une manière fort suspecte, avec une dame appelée Fawnia, les envoyés soupçonnèrent que c’était Doratus qui, par crainte d’être connu, avait changé de nom ; mais ils dissimulèrent leur opinion jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés à la cour. Là, tous les nobles de Sicile ayant été rassemblés, ils s’ac-