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SCÈNE II.

PANDARUS.

Bon page, dis-lui que j’y vais.

Le page sort.

J’ai peur qu’il ne soit blessé… Portez-vous bien, bonne nièce.

CRESSIDA.

Adieu, oncle.

PANDARUS.

Je serai à vous, nièce, tout à l’heure.

CRESSIDA.

Et vous m’apporterez, mon oncle…

PANDARUS.

Un gage d’amour de la part de Troylus.

Il sort.
CRESSIDA.

Par ce gage-là, vous êtes un ruffian !… — Paroles, serments, plaintes, larmes, tout le sacrifice de l’amour, — il l’offre pour le compte d’un autre ! — Mais je vois dans Troylus mille fois plus — que dans le miroir des louanges de Pandarus ; — pourtant je résiste. Les femmes sont des anges, tant qu’on leur fait la cour. — Gagnées, elles sont perdues ! L’âme du bonheur meurt dans la jouissance. — La femme aimée ne sait rien, qui ne sait pas ceci : — les hommes prisent, plus qu’il ne vaut, l’objet non obtenu. — Nulle n’a jamais trouvé — l’amour satisfait aussi doux que le désir à genoux, — C’est donc pour l’amour même que j’enseigne cette maxime : la possession fait des maîtres ; la résistance, des suppliants. — Aussi, quoique mon cœur soit plein d’un véritable amour, — mes yeux n’en laisseront rien paraître (6).

Elle sort.