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TROYLUS ET CRESSIDA.
est leur renommée dans la paix. — Mais dès qu’ils se présentent en combattant, ils ont de la bile, — de bons bras, des muscles solides, de vraies épées, et, avec l’aide de Jupiter, — une incomparable énergie… Mais silence, Énée ! — silence, Troyen ! pose ton doigt sur tes lèvres ! — L’éloge se retire à lui-même son prix — quand celui qui en est l’objet en est aussi l’auteur. — L’éloge que murmure à regret un ennemi, — est celui qu’entonne la gloire ; il est le seul pur, le seul transcendant.
AGAMEMNON.

— Seigneur troyen, est-ce donc vous-même qui vous appelez Énée ?

ÉNÉE.

— Oui, Grec, c’est mon nom.

AGAMEMNON.

Quelle affaire vous amène, je vous prie ?

ÉNÉE.

— Pardon, seigneur ; c’est à l’oreille d’Agamemnon que je dois parler.

AGAMEMNON.

— Il n’écoute pas en particulier ce qui vient de Troie.

ÉNÉE.

— Si je viens de Troie, ce n’est pas pour lui parler à voix basse ; — j’ai là une trompette pour réveiller son oreille, — et, quand j’aurai excité son attention, — alors je parlerai.

AGAMEMNON.

Parle aussi librement que le vent ; — ce n’est pas l’heure où dort Agamemnon. — Sache-le bien, Troyen, il est éveillé, — c’est lui-même qui te le déclare.

ÉNÉE.

Trompette, souffle une fanfare ! — Jette ton cri de cuivre à travers toutes ces tentes paresseuses ! — et fais sa-