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INTRODUCTION.

c’est par courtoisie. » Mais Lisiart revient à la charge et des paroles veut passer aux faits. Alors madame Euriante réplique tout net que cela lui déplaît, et lève la séance sous prétexte d’aller commander le souper. Bientôt madame est servie. Tous deux se mettent à table. Lisiart ne mange pas une bouchée ; les viandes les plus appétissantes, les rôtis d’oiseaux les plus friands ne peuvent le tenter ; il ne touche à rien. Il entrevoit lugubrement les conséquences désastreuses de son échec. S’il perd le pari fait avec Girard, adieu sa belle comté de Forez ! adieu son manoir féodal, et ses parcs, et ses garennes, et ses meutes de chiens, et ses meutes de vassaux ! Il faut à tout prix qu’il réussisse. À ce moment perplexe, son regard rencontre le regard d’une vieille femme qui se tenait debout près de la table. Cette vieille était une servante maîtresse qui avait élevé Euriante :

Laide et obscure avait la chière,
Molt étoit déloyaux sorcière,
Gondrée avoit la vieille à nom.
Fille ert Gontacle le larron.

En voyant cette stryge au profil sinistre, Lisiart a compris tout de suite le parti qu’il peut tirer d’elle. Le souper terminé, il la prend à part, lui raconte le pari qu’il a fait et lui offre robes et chevaux, si elle veut l’aider à le gagner. Gondrée n’était pas fille de larron pour rien ; elle accepte le marché et promet au comte le succès. Sur ce, chacun va se coucher. Le lendemain matin, la vieille va réveiller Lisiart, le fait lever, le mène devant une porte et l’invite à regarder par un trou qu’elle y a pratiqué. Lisiart se penche, et, par l’ouverture, aperçoit madame Euriante toute nue dans son bain. Il la considère avec attention et remarque qu’elle a sous le sein droit une tache empourprée qui ressemble à une violette. Aussitôt