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LES JALOUX.

se tournant vers la vieille : « Vous m’avez sauvé, dit-il ; désormais, par Saint Thomas, je suis votre homme. » Puis, tandis que Gondrée rentre dans la chambre pour aider madame à sortir de la baignoire, il s’élance hors du château et retourne à Melun, où le roi tenait sa cour. En présence de Son Altesse et des grands feudataires, il déclare qu’il a gagné la gageure faite entre lui et l’enfant Gérard, et qu’il est prêt à le prouver si l’on envoie chercher la dame. Gérard y consent et ordonne à son neveu Geoffroy d’aller la quérir. Le neveu part au grand galop de son cheval, arrive à Nevers, et, au nom du comte, invite madame Euriante à l’accompagner jusqu’à la cour :

Gérard vous salue par moi
Et vous mande, foi que vous doi,
Qu’à lui veniez sans demeure.

On devine avec quelle joie Euriante reçoit ce bienheureux message. Vite elle fait seller son plus blanc palefroi et revêt sa plus belle robe, une robe taillée à merveille, sur laquelle elle pose la ceinture incrustée de rubis et d’émeraudes, que Roland donna à la belle Aude. Imogène partant avec Pisanio pour aller rejoindre son Posthumus à Milford-Haven n’est pas plus impatiente que madame Euriante ne l’était alors. Les deux voyageurs partent de Nevers, chevauchent toute la journée, ne se reposant qu’à Bonny-sur-Loire où ils couchent, et arrivent le lendemain à Melun. Dès que la dame a paru devant le roi, Lisiart répète que le comte de Nevers a perdu le pari et se vante hautement d’avoir fait de madame Euriante tout ce qu’il a voulu.

« Sire, je me vant
Que j’ai de li ma volonté,
Et vès me chi entalenté
Que maintenant le prouverai
Par ensaignes que nommerai. »