Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 5.djvu/179

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
SCÈNE XIX.

SCÈNE XIX.
[Dans le pays de Galles. Aux environs de la caverne.]
Arrive Cloten.
CLOTEN.

Me voici près de l’endroit où ils doivent se rejoindre, si Pisanio m’a fidèlement renseigné. Comme les vêtements de Posthumus me vont bien ! Pourquoi sa maîtresse, faite par celui qui a fait son tailleur, ne m’irait-elle pas aussi ? D’autant plus, dit-on (excusez l’expression), que le caprice fait aller toutes les femmes. Il faut que je tente l’opération. J’ose me le déclarer à moi-même (car il n’y a pas de vaine gloire pour un homme à causer seul dans sa chambre avec son miroir), les lignes de mon corps sont aussi bien dessinées que les siennes ; je suis non moins jeune que lui, plus fort, non moins doué par la nature et plus favorisé par les circonstances, son supérieur par la naissance, aussi capable que lui dans les actions générales et plus remarquable dans le combat singulier : et pourtant cette petite obstinée l’aime en dépit de moi !… À quoi tient la vie ! Avant une heure, Posthumus, ta tête, qui maintenant tient à tes épaules, sera abattue, ta maîtresse violée, tes vêtements coupés en morceaux devant ta face ! Cela fait, je la chasse du pied jusque chez son père : celui-ci m’en voudra peut-être un peu de ce rude traitement, mais ma mère, qui a tout pouvoir sur son humeur, tournera l’affaire à mon éloge… Mon cheval est solidement attaché… Dehors, mon épée, à l’œuvre de sang !… Fortune, mets-les sous ma main. Voici bien le rendez-vous, tel que