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LES JALOUX.

Robert, si vous vous en allez à Saint-Jacques sans toucher votre belle femme, je vous ferai cous avant que vous reveniez, et je vous en dirai au revenir bonnes enseignes ; sur ce, je parierai ma terre contre la vôtre. » Provoqué comme Posthumus, et, comme lui, sur de la vertu de sa dame, messire Robert n’hésite pas à accepter le pari : il gage sa terre contre celle de Raoul, pique des deux et part.

Comme il s’achemine vers Saint-Jacques, l’aimable Raoul se met en devoir de le faire cous. Jehanne avait à son service une espèce de duègne, nommée dame Hersent, qui n’avait guère plus de scrupules que dame Gondrée, du Roman de la Violette. C’est à elle que Raoul s’adresse. La vieille se laisse graisser la patte et promet au chevalier de le servir. Tentative inutile. En vain dame Hersent plaide auprès de Jehanne la cause de son client, en vain elle lui répète que Raoul est preux et sage et très-riche homme, tandis que Robert est un couard qui l’a plantée là ; en vain elle lui vante la joie qu’ont les femmes avec les hommes qu’elles aiment. Jehanne répond qu’elle n’a pas le talent de mal faire et finit par imposer silence à la vieille. On conçoit le désappointement de Raoul en apprenant l’insuccès de cette première démarche. Ce pauvre séducteur transi est dans une anxiété inexprimable : avant huit jours, messire Robert sera revenu de Saint-Jacques, et Jehanne est aussi cruelle que jamais. Que faire ? Dame Hersent ne sait. Une inspiration vient à Raoul : il tire vingt sols de sa poche et les donne à la duègne pour acheter une plume à son surcot. À ce contact métallique le zèle de dame Hersent se ranime ; elle répond qu’elle a trouvé un plan de bataille infaillible pour assurer la victoire du chevalier. Ce plan, le voici : jeudi prochain, elle éloignera tous les gens de service, madame prendra un bain, comme c’est son habitude ce