Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 5.djvu/317

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
313
SCÈNE IX.
c’est être résolu… Échange-moi contre un bouc, — le jour où j’occuperai mon âme — de ces soupçons exagérés et creux — qu’implique ta conjecture. On ne me rendra pas jaloux — en disant que ma femme est jolie, friande, aime la compagnie, — a le parler libre, chante, joue et danse bien ! — Là où est la vertu, ce sont autant de vertus nouvelles. — Ce n’est pas non plus la faiblesse de mes propres mérites qui me fera concevoir — la moindre crainte, le moindre doute sur sa fidélité, — car elle avait des yeux, et elle m’a choisi !… Non, Iago ! — Avant de douter, je veux voir. Après le doute, la preuve ! — et, après la preuve, mon parti est pris : — adieu à la fois l’amour et la jalousie !
IAGO.

— J’en suis charmé ; car je suis autorisé maintenant — à vous montrer mon affection et mon dévouement pour vous — avec moins de réserve. Donc, puisque j’y suis tenu, — recevez de moi cette confidence… Je ne parle pas encore de preuve… — Veillez sur votre femme, observez-la bien avec Cassio, — portez vos regards sans jalousie comme sans sécurité ; — je ne voudrais pas que votre franche et noble nature — fût victime de sa générosité même… Veillez-y ! — Je connais bien les mœurs de notre contrée. — À Venise, les femmes laissent voir au ciel les fredaines — qu’elles n’osent pas montrer à leurs maris ; et, pour elles, le cas de conscience, — ce n’est pas de s’abstenir de la chose, c’est de la tenir cachée.

OTHELLO.

— Est-ce là ton avis ?

IAGO.

— Elle a trompé son père en vous épousant ; — et c’est quand elle semblait trembler et craindre vos regards — qu’elle les aimait le plus.