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OTHELLO.
de garde. Et tout à l’heure encore, — quand on le croyait mort depuis longtemps, il a dit qu’Iago l’avait aposté — et qu’Iago l’avait frappé.
LODOVICO, à Othello.

— Vous allez quitter cette chambre et nous suivre. — Votre pouvoir, votre commandement vous sont enlevés, — et c’est Cassio qui gouverne à Chypre. Quant à ce gueux, — s’il est quelque savant supplice — qui puisse le torturer en le laissant vivre longtemps, — il lui est réservé.

À Othello.

Vous, vous resterez prisonnier — jusqu’à ce que la nature de votre faute soit connue — du Sénat de Venise… Allons, qu’on l’emmène !

OTHELLO.

— Doucement, vous ! Un mot ou deux avant que vous partiez ! — J’ai rendu à l’État quelques services, on le sait : n’en parlons plus. Je vous en prie, dans vos lettres, — quand vous raconterez ces faits lamentables, — parlez de moi tel que je suis ; n’atténuez rien, — mais n’aggravez rien. Alors vous aurez à parler — d’un homme qui a aimé sans sagesse, mais qui n’a que trop aimé, — d’un homme peu accessible à la jalousie, mais qui, une fois travaillé par elle, — a été entraîné jusqu’au bout, d’un homme dont la main, — comme celle du Juif immonde, a jeté au loin une perle — plus riche que toute sa tribu, d’un homme dont les yeux vaincus, — quoique inaccoutumés à l’attendrissement, — versent des larmes aussi abondamment que les arbres arabes — leur gomme salutaire ! Racontez cela, et dites en outre qu’une fois, dans Alep, — voyant un Turc, un mécréant en turban, battre un Vénitien et insulter l’État, — je saisis ce chien de circoncis à la gorge — et le frappai ainsi.

Il se perce de son épée.