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NOTES.

par les troupes d’Auguste, lui permettait de réunir sur le champ de bataille les principaux personnages de son drame, Cymbeline, Bélarius, Guidérius, Arviragus, Posthumus, lachimo et Imogène.

(3) J’indique ici la décoration de l’appartement d’Imogène d’après la description minutieuse qu’en fait Iachimo à la scène X. Il est important que le lecteur soit d’avance familier avec tous les détails de cet ameublement qui tout à l’heure vont être produits comme autant de pièces de conviction à la charge d’Imogène. Shakespeare a fait comme les grands peintres, ses contemporains, qui prêtaient à leurs personnages, quels qu’ils fussent, les costumes et les modes de la Renaissance ; il a placé son héroïne dans la chambre à coucher d’une princesse du seizième siècle. En entrant dans cette splendide chambre tendue d’une tapisserie soie et argent, en regardant cette cheminée dont quelque Germain Pilon a sculpté le manteau, en considérant ces chenets qu’a ciselés quelque Cellini, nous sommes transportés bien loin de ces misérables habitations celtiques qu’a décrites Strabon : « Les Bretons construisent leurs maisons de bois en forme de cercle, avec de grands toits pointus… Les forêts des Bretons sont leurs cités ; dès qu’ils ont enclos de troncs d’arbres un large circuit, ils construisent, dans l’intérieur, des maisons pour eux-mêmes, et des granges pour leurs bestiaux. » Devant la description de l’appartement d’Imogène, les pédants comme Johnson ne manqueront pas de crier à l’anachronisme. Anachronisme, soit ! Quand Paul Véronèse a peint les noces de Cana, quand il nous a montré François Ier parmi les convives de Jésus-Christ, il a fait un anachronisme. Quand, dans un de ces merveilleux cartons qui sont aujourd’hui le trésor de Hampton-Court, Raphaël a appuyé sur des colonnes torses la belle porte du temple de Jérusalem, il a fait un anachronisme. Et pourtant les Noces de Cana sont un chef-d’œuvre : Et pourtant la Guérison du boiteux est un chef-d’œuvre !

(4) Cassibelan était le grand oncle de Cymbeline. Il ne consentit à payer le tribut qu’après une résistance d’abord victorieuse que raconte ainsi la chronique de Holinshed : « Nos histoires affirment que César, étant venu pour la seconde fois, fut battu et repoussé vaillamment par les Bretons, comme il l’avait été à la première ; Cassibelan avait enfoncé dans la Tamise de grands troncs d’arbres, garnis de fer, sur lesquels se perdirent les navires ennemis, après être entrés dans la rivière ; après avoir débarqué, César fut vaincu en bataille rangée, et forcé de fuir en Gaule avec les navires qui lui