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CYMBELINE ET OTHELLO.

Ô lamentable spectacle de voir
Un être si doux et si beau
Traîné avec cette sauvage cruauté
Par sa longue et charmante chevelure !

Alors arriva le misérable pour réjouir
De cette vue son cœur noir.
Mais nombre de voix témoignèrent bientôt
Que la dame avait été fidèle.
On prouva qu’il avait volé le mouchoir
Et l’avait posé là
Où Cassio devait venir,
Pour le prendre au piége.

Othello se tenait comme effaré
À écouter ce qu’on lui démontrait :
Même en pensée Desdémona
N’avait jamais connu le péché !
Il écumait, il bondissait, il rageait
En pensant à son action.
Il frappa Iago sur le plancher,
Mais ne parvint qu’à le faire saigner.

Il fut sauvé pour la mortelle torture,
Et mourut en la subissant.
Leçon trop douce pour le fourbe !
Puissent tous ses pareils la recevoir !

Sur le corps de Desdémona
Othello alors se jeta,
Dans l’agonie d’un remords profond,
Le cœur brisé :
— Racontez, dit-il avec charité,
Ce qu’en ce jour vous avez vu.
Songez aux services que j’ai rendus à l’État,
Et à ce que j’ai été jadis.

Alors, avec un poignard humide encore
Du sang de sa chère dame,
Il se frappa, faisant ainsi jaillir
Son âme en un flot sanglant.
Cette histoire, vous l’avez vue souvent
Représentée pour de l’argent par des acteurs,
Mais toujours si bien qu’on avait peine à dire
Si ce n’était pas en effet la réalité.