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APPENDICE.

Celui-ci alloit fort souvent en la maison du More, et mangeoit souvent avec lui et sa femme.

Et pour cette cause, la femme, qui connoissoit que son mary l’aimoit tant, lui montroit signes de très-grande amitié : de quoi le More étoit fort aise.

Le méchant enseigne ne se souciant point de la foi donnée à sa femme, de l’amitié, foi et obligation qu’il avoit au More, devint fort amoureux de Disdemone, et s’appliqua du tout à voir s’il en pourroit jouir.

Il n’osoit pas se découvrir, craignant que le More le tuât, s’il s’en appercevroit : et par divers moyens il s’efforça, le plus secrètement qu’il pût, de faire connoistre à cette femme qu’il l’aimoit.

Mais elle avoit tout son cœur au More, ne pensoit aucunement ni à l’enseigne, ni à autre ; et tout ce que celui-ci faisoit, pour l’enflammer de lui, ne servoit de rien.

Parquoi cétuy pensa, que c’étoit, pour ce qu’elle étoit d’aventure amoureuse du caporal de la compagnie, et s’avisa de s’en défaire, et changea l’amour qu’il portoit à la femme, en une très-grande haine, et se mit soigneusement à penser, comme il pourroit faire, le caporal de la compagnie étant dépêché, s’il ne pouvoit jouir de cette femme, que le More n’en jouît pas aussi.

Et pensant diverses choses, toutes méchantes ou mauvaises, en fin délibéra l’accuser d’adultère, à son mari, et donner à entendre que l’adultère étoit le caporal de la compagnie.

Mais cétuy sachant l’amour singulière, que le More portoit à Disdemone, et l’amitié qu’il avoit avec le caporal, il connoissoit apertement, que s’il ne trompoit le More, avec grande finesse, il étoit impossible lui faire croire ni l’un, ni l’autre.

Et pour cette cause, il se mit à entendre que le temps