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ROMÉO ET JULIETTE.
elle pleure ; — et alors elle se jette sur son lit, et puis elle se redresse, — et appelle Tybalt ; et puis elle crie : Roméo ! — et puis elle retombe.
ROMÉO.

Il semble que ce nom, — lancé par quelque fusil meurtrier, — l’assassine, comme la main maudite qui répond à ce nom — a assassiné son cousin !… Oh ! dis-moi, prêtre, dis-moi — dans quelle vile partie de ce squelette — est logé mon nom ; dis-le moi, pour que je mette à sac — ce hideux repaire !

Il tire son poignard comme pour s’en frapper, la nourrice le lui arrache
LAURENCE.

Retiens ta main désespérée ! — Es-tu un homme ? ta forme crie que tu en es un ; — mais tes larmes sont d’une femme, et ta sauvage action dénonce — la furie déraisonnable d’une bête brute. — Ô femme disgracieuse qu’on croirait un homme, — bête monstrueuse qu’on croirait homme et femme, — tu m’as étonné !… Par notre saint ordre, — je croyais ton caractère mieux trempé. — Tu as tué Tybalt et tu veux te tuer ! — tu veux tuer la femme qui ne respire que par toi, — en assouvissant sur toi-même une haine damnée ! — Pourquoi insultes-tu à la vie, au ciel et à la terre ? — La vie, le ciel et la terre se sont tous trois réunis — pour ton existence ; et tu veux renoncer à tous trois ! — Fi ! fi ! tu fais honte à ta beauté, à ton amour, à ton esprit. — Usurier, tu regorges de tous les biens, — et tu ne les emploies pas à ce légitime usage — qui ferait honneur à ta beauté, à ton amour, à ton esprit. — Ta noble beauté n’est qu’une image de cire, — dépourvue d’énergie virile : — ton amour, ce tendre engagement, n’est qu’un misérable parjure, — qui tue celle que tu avais fait vœu de chérir ; — ton esprit, cet ornement de la beauté et de