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SCÈNE XVII.
— ni chaleur, ni souffle n’attestera que tu vis. — Les roses de tes lèvres et de tes joues seront flétries — et ternes comme la cendre ; les fenêtres de tes yeux seront closes, — comme si la mort les avait fermées au jour de la vie. — Chaque partie de ton être, privée de souplesse et d’action, — sera roide, inflexible et froide comme la mort (110). — Dans cet état apparent de cadavre — tu resteras juste quarante-deux heures, — et alors tu t’éveilleras comme d’un doux sommeil. — Le matin, quand le fiancé arrivera — pour hâter ton lever, il te trouvera morte dans ton lit. — Alors, selon l’usage de notre pays, — vêtue de ta plus belle parure, et placée dans un cerceuil découvert, — tu seras transportée à l’ancien caveau — où repose toute la famille des Capulets. — Cependant, avant que tu sois éveillée, — Roméo, instruit de notre plan par mes lettres, — arrivera ; lui et moi — nous épierons ton réveil, et cette nuit-là même — Roméo t’emmènera à Mantoue. — Et ainsi tu seras sauvée d’un déshonneur imminent, — si nul caprice futile, nulle frayeur féminine — n’abat ton courage au moment de l’exécution.
JULIETTE.

— Donne ! oh ! donne ! ne me parle pas de frayeur.

LAURENCE, lui remettant la fiole.

— Tiens, pars ! Sois forte et sois heureuse dans ta résolution. Je vais dépêcher un religieux — à Mantoue avec un message pour ton mari.

JULIETTE.

— Amour, donne-moi ta force, et cette force me sauvera. — Adieu, mon père !

Ils se séparent.