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SCÈNE XXI.

CAPULET.

— Prête à y aller, mais pour n’en pas revenir !

À Pâris.

— Ô mon fils, la nuit qui précédait tes noces, — la mort est entrée dans le lit de ta fiancée, — et voici la pauvre fleur toute déflorée par elle. — Le sépulcre est mon gendre, le sépulcre est mon héritier, — le sépulcre a épousé ma fille. Moi, je vais mourir — et tout lui laisser. Quand la vie se retire, tout est au sépulcre.

PÂRIS.

— N’ai-je si longtemps désiré voir cette aurore, — que pour qu’elle me donnât un pareil spectacle (117) !

LADY CAPULET.

— Jour maudit, malheureux, misérable, odieux ! — Heure la plus atroce qu’ait jamais vu le temps — dans le cours laborieux de son pèlerinage ! — Rien qu’une pauvre enfant, une pauvre chère enfant, — rien qu’un seul être pour me réjouir et me consoler, — et la mort cruelle l’arrache de mes bras (118) !

LA NOURRICE.

— Ô douleur ! ô douloureux, douloureux, douloureux jour ! — Jour lamentable ! jour le plus douloureux — que jamais, jamais j’aie vu ! — Ô jour ! ô jour ! ô jour ! ô jour odieux ! — Jamais jour ne fut plus sombre ! — Ô jour douloureux ! ô jour douloureux !

PÂRIS.

— Déçue, divorcée, frappée, accablée, assassinée ! — Oui, détestable mort, déçue par toi, — ruinée par toi, cruelle, cruelle ! — Ô mon amour ! ma vie… Non, tu n’es plus ma vie, tu es mon amour dans la mort !

CAPULET.

— Honnie, désolée, navrée, martyrisée, tuée ! — Sinistre catastrophe, pourquoi es-tu venue — détruire, détruire notre solennité ?… — Ô mon enfant ! mon enfant !