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ANTOINE ET CLÉOPATRE.
— Que dit la femme mariée ?… Vous pouvez partir… — Je voudrais qu’elle ne vous eût jamais donné permission de venir ! — Qu’elle n’aille pas dire que c’est moi qui vous retiens ici ! — Je n’ai pas de pouvoir sur vous. Vous êtes tout à elle.
ANTOINE.

— Les dieux savent trop bien.

CLÉOPÂTRE.

Oh ! y eut-il jamais reine — si effrontément trahie !… Pourtant, dès les commencements, — j’ai vu poindre la trahison.

ANTOINE.

Cléopâtre !

CLÉOPÂTRE.

— Quand vous ébranleriez de vos protestations le trône des dieux, — comment pourrais-je croire que vous êtes à moi sincèrement, — vous qui avez trompé Fulvie ? Extravagante folie — de se laisser empêtrer par ces serments des lèvres, — rompus aussitôt que proférés !

ANTOINE.

Adorable reine !

CLÉOPÂTRE.

— Non, je vous prie ; ne cherchez pas de prétexte pour votre départ, — mais dites adieu et partez : quand vous imploriez de rester, — alors était le temps des paroles !… Pas de départ, alors ! — L’éternité était sur nos lèvres et dans nos yeux, — la béatitude dans l’arc de nos sourcils ! Rien en nous de si chétif — qui n’eût une saveur de ciel ! Tout cela est vrai encore, — ou bien toi, le plus grand soldat du monde, — tu en es devenu le plus grand menteur !

ANTOINE.

Eh bien, madame !