Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1869, tome 6.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
285
SCÈNE XVIII.
édulcorées. Voici Sa Seigneurie… Eh bien, monseigneur, est-ce qu’il n’est pas plus de minuit ?
BERTRAND.

J’ai ce soir dépêché par sommaire décision seize affaires qui chacune eussent occupé un mois à la longue. J’ai pris congé du duc, fait mes adieux à ses proches, enterré ma femme, porté son deuil, écrit a madame ma mère que je reviens, fait mes préparatifs de départ, et, entre ces gros colis, expédié maintes choses plus délicates ; la dernière était la plus importante, mais elle n’est pas encore à sa fin.

DEUXIÈME SEIGNEUR.

Pour peu que l’affaire soit difficile, si Votre Seigneurie veut partir d’ici ce matin, il faut qu’elle se hâte.

BERTRAND.

Je dis qu’elle n’est pas à sa fin, en ce sens que je crains d’en entendre parler plus tard… Ah çà, aurons-nous bientôt le dialogue annoncé entre le fanfaron et le soldat ? Allons, faites comparaître ce paladin postiche qui m’a trompé comme un oracle équivoque.

DEUXIÈME SEIGNEUR, à des soldats.

Amenez-le…

Des soldats sortent.

Le pauvre gaillard a passé toute la nuit dans les ceps.

BERTRAND.

C’est tout simple : ses talons l’ont mérité pour avoir usurpé si longtemps les éperons. Comment se tient-il ?

PREMIER SEIGNEUR.

Je l’ai déjà dit à Votre Seigneurie, ce sont les ceps qui le tiennent. Mais, pour vous répondre dans le sens que vous entendez, il pleure comme une paysanne qui a répandu son lait. Il a confessé toute sa vie à Morgan, qu’il prend pour un religieux, depuis le temps de ses premiers