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MESURE POUR MESURE.

À Escalus.

Quelle figure pensez-vous qu’il fera à notre place ? — Car vous devez savoir que, par une inspiration spéciale, nous l’avons — choisi pour nous remplacer dans notre absence ; — nous lui avons prêté notre terreur et nous l’avons revêtu de notre amour, — donnant à sa lieutenance tous les organes — de notre propre autorité. Qu’en pensez-vous ?

escalus.

Si quelqu’un dans Vienne est digne — d’être investi d’une faveur et d’un honneur si grands, — c’est le seigneur Angelo.


Entre Angelo.
le duc.

Tenez ! le voici.

angelo.

— Toujours obéissant à la volonté de Votre Grâce, — je viens connaître votre bon plaisir.

le duc.

Angelo, — ton existence a un certain caractère — qui à l’observateur révèle — pleinement ton histoire. Ton être et tes attributs — ne t’appartiennent pas tellement en propre que tu puisses consumer — ton être en tes vertus, et tes vertus en toi. — Le ciel fait de nous ce que nous faisons des torches ; — nous ne les allumons pas pour elles-mêmes : de même, si nos vertus — ne rayonnent pas hors de nous, autant vaut — que nous ne les ayons pas. Les esprits n’ont la touche du beau — que pour produire le beau. La nature ne prête jamais — le moindre scrupule de ses perfections, — sans exiger pour elle-même, l’usurière déesse, — toutes les gloires d’un créancier, — remerciements et intérêts. Mais j’adresse mes paroles — à un homme qui est par lui-même capable de me suppléer… Tiens ! Angelo, — pendant notre absence, sois pleinement