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SCÈNE IX.

claudio.

Merci, chère Isabelle.

isabelle.

— Préparez-vous, Claudio, à mourir demain.

claudio.

— Oui… Il a donc en lui des passions — qui l’obligent à mordre ainsi la face de la loi — au moment même où il en impose le respect !… Assurément ce n’est pas un péché, — ou des sept péchés mortels c’est le moindre.

isabelle.

Quel est le moindre ?

claudio.

— Si c’était une faute damnable, lui, qui est si sage, — voudrait-il pour la farce d’un moment — encourir une peine éternelle ?… Ô Isabelle !

isabelle.

— Que dit mon frère ?

claudio.

La mort est une terrible chose.

isabelle.

— Et une vie déshonorée une chose odieuse.

claudio.

— Oui, mais mourir et aller nous ne savons où ! — Être gisant dans de froides cloisons et pourrir ; — ce corps sensible, plein de chaleur et de mouvement, devenant — une argile malléable, tandis que l’esprit, privé de lumière, — est plongé dans des flots brûlants, ou retenu — dans les frissonnantes régions des impénétrables glaces, — ou emprisonné dans les vents invisibles — et lancé avec une implacable violence autour — de l’univers en suspens ; plus misérable encore que le plus misérable — de ces damnés qui conçoivent dans des hurlements — des pensées illégitimes et informes !… Ah ! c’est trop horrible ! — La vie terrestre la plus pénible et la plus répulsive —