Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 10.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
213
SCÈNE XVII.

province. Mes affaires en cet État — m’ont mis à même de vivre à Vienne en observateur ; j’y ai vu la corruption fermenter et bouillonner — jusqu’à déborder la cuve ; des lois pour toutes les fautes, — mais les fautes si bien tolérées que les plus sévères statuts — y sont comme les prohibitions dans une échoppe de barbier, — un objet de moqueuse remarque (12).

escalus.

— Calomnier l’État ! qu’on le mène en prison.

angelo.

— Qu’avez-vous à déposer contre lui, signor Lucio ? — Est-ce là l’homme dont vous nous avez parlé ?

lucio.

C’est lui, monseigneur. Venez ici, bonhomme à caboche chauve. Me remettez-vous ?

le duc.

Monsieur, je vous reconnais au son de votre voix. Je vous ai rencontré à la prison, pendant l’absence du duc.

lucio.

Ah ! vraiment ? Et vous rappelez-vous ce que vous avez dit du duc ?

le duc.

Très-nettement, monsieur.

lucio.

Vraiment, monsieur ? Et le duc est-il en effet un paillard, un fou et un couard, comme vous le prétendiez alors ?

le duc.

Il faut, monsieur, que vous changiez de personnage avec moi, avant de mettre ce propos sur mon compte ; c’est vous-même qui avez dit cela de lui ; et bien pis, bien pis.

lucio.

Ô damnable drôle ! Est-ce que je ne t’ai pas tiré par le nez pour ces propos-là ?

le duc.

Je proteste que j’aime le duc comme moi-même.