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MESURE POUR MESURE, TIMON D’ATHÈNES, ETC.

nes ? Au lieu d’affirmer, sans preuves, que Shakespeare s’est approprié l’œuvre d’autrui, — conjecture injurieuse, — qu’est-ce qui vous empêche d’admettre, quand tant de présomptions vous y poussent, que le poète, après un long intervalle, a corrigé son propre ouvrage ? Supposez tout simplement qu’après avoir, dans sa jeunesse, fait une esquisse de Timon d’Athènes, comme il avait fait une esquisse d’Hamlet et de Roméo, Shakespeare ait voulu, dans la maturité de son génie, réviser ce travail primitif, mais que quelque empêchement imprévu l’ait subitement interrompu dans cette entreprise de restauration. Quoi de plus vraisemblable que cette hypothèse ? Elle justifie tout ; elle explique d’une manière fort naturelle les étranges inégalités du style de Timon d’Athènes en laissant à l’auteur le mérite primordial d’avoir conçu cette grande œuvre ; elle résout la question, non plus au détriment, mais à la gloire de Shakespeare. — Cette hypothèse est la nôtre.

Le répertoire anglais compte de nombreuses pièces faites d’après le Timon d’Athènes, de Shakespeare. Les principales sont celle de Shadwell, jouée au théâtre du Duc en 1678, celle de James Love, jouée au théâtre royal de Richmond Green en 1768, celle de Cumberland, jouée à Drury Lane en 1771, celle de Hull, jouée à Covent-Garden en 1786.

(14) « Je soupçonne qu’une scène a été perdue dans laquelle l’entrée du fou et du page qui va le suivre était préparée par quelque dialogue explicatif qui apprenait à l’auditoire que tous deux étaient au service de Phryné, de Timandra, ou de quelque autre courtisane : information dont dépend en grande partie l’effet des plaisanteries que nous allons entendre. » Johnson.

(15) « Corinthe, mot d’argot désignant un lupanar, sans doute, je suppose, en raison des mœurs dissolues de l’antique cité grecque, Milton, dans son Plaidoyer pour Smectymnuus, désigne la maîtresse d’un bordel comme « une sage et vieille abbesse entourée de toutes ses jeunes laïques co-