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NOTES.

quer à la lettre, c’est manquer à l’esprit même de l’œuvre. Ne l’oublions pas, Timon d’Athènes n’est pas une satire contre le monde antique ; c’est un formidable anathème lancé contre la société moderne. L’habillement grec ne sied pas mieux au misanthrope de Shakespeare qu’au misanthrope de Molière.

(21) Comment douter, devant cette nouvelle preuve, que Timon soit un drame tout à fait moderne ? L’usage de porter perruque ne remonte guère au delà du seizième siècle. Selon le chroniqueur Stowe, cet usage fut importé de France en Angleterre peu de temps après le massacre de la Saint-Barthélémy. La coquetterie fit adopter par la reine Élisabeth une mode qui lui permettait de dissimuler ses cheveux blancs, et l’exemple royal fut suivi par toutes les femmes. La fureur de porter perruque provoqua bientôt des abus odieux.

Le puritain Stubbes raconte, dans un pamphlet indigne, que les femmes ne se faisaient pas scrupule d’attirer chez elles de jeunes enfants pour leur couper leur chevelure. D’autres allaient jusqu’à violer les sépultures et se paraient des cheveux des morts. C’est cette profanation atroce que Shakespeare dénonce ici.

(22) Suivant une superstition ancienne, quand le lion a à combattre la licorne, qui est plus forte que lui, il se cache derrière un arbre. La licorne furieuse se précipite droit sur son ennemi, mais presque toujours emportée par son élan, elle enfonce sa corne dans le tronc avec une telle violence qu’elle ne peut plus se dégager. C’est alors que le lion fond sur elle et la tue.

(23) Pope a vu ici une allusion à la politique du sultan qui, avant de monter sur le trône, fait égorger ses plus proches parents.

(24) N’est-ce pas ici le cas de rappeler cette ode d’Anacréon traduite par Ronsard :