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NOTES.

Cette conjecture, que nous tirons de l’examen même du texte original, est appuyée d’ailleurs par des faits qu’un érudit, M. Payne Collier, a récemment mis en lumière. — Le principal argument de Malone pour fixer après l’année 1607 l’apparition de Jules César, est qu’en cette année 1607 une tragédie, dont Jules César est le héros, fut publiée dans le dialecte écossais par un certain comte de Sterline. Malone, partant de ce principe que Shakespeare avait dû plagier son contemporain, avait déclaré la pièce anglaise postérieure à la pièce calédonienne. Mais, ce qui ébranle la solidité de la date si savamment fixée par lui, c’est qu’on a découvert, il y a quelque temps, un exemplaire du Jules César de lord Sterline publié en 1603. Donc, en admettant le principe de Malone, en supposant que Shakespeare ait dû attendre, pour faire sa pièce, que le poëte écossais eût fait la sienne, il aurait pu donner son Jules César à la rigueur en 1603.

Mais voici un autre fait qui rend encore plus improbable l’hypothèse de Malone. En cette même année 1603, le poète Drayton publia un poème épique, intitulé Les guerres des Barons, dans lequel, racontant la lutte de la noblesse contre Édouard II, il peignait ainsi son héros Mortimer :

C’était un mortel, nous le disions hardiment,
Dont l’âme riche unissait toutes les facultés suprêmes,
En qui tous les éléments étaient si harmonieusement
Combinés qu’aucun ne pouvait revendiquer la suprématie ;
Comme tous gouvernaient, tous pourtant obéissaient ;
Son vivant caractère était si accompli,
Qu’il semblait que le ciel eût créé ce modèle
Pour montrer la perfection d’un homme.

Ce portrait a une ressemblance incontestable avec la fameuse description que fait Antoine de Brutus :

« Sa vie était paisible ; et les éléments
Si bien combinés en lui que la nature pouvait se lever
Et dire au monde entier : c’était un homme. »

L’analogie, qui va jusqu’à l’identité de certains mots, est tellement minutieuse qu’elle ne peut résulter d’une coïncidence for-