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EXTRAIT DES HÉCATOMMITHI.

damna, selon la loi de cette ville, à avoir la tête tranchée, encore que les criminels voulussent prendre les filles forcées à femmes.

Cettui avait une sœur, fille, qui n’avait pas plus de dix-huit ans, laquelle outre ce qu’elle était ornée de grande beauté avait une très-douce manière de parler, une présence aimable, accompagnée d’une rare honnêteté féminine.

Cette-ci qui se nommait Épitia, sachant que son frère était condamné à mort, fut surprise d’une merveilleuse douleur, et délibéra voir, si elle pourrait délivrer son frère, ou à tout le moins adoucir sa peine. Et ayant été avec son frère, sous la charge d’un homme ancien, que son père avait tenu en la maison, pour les enseigner tous deux en la philosophie, encore que son frère eût mal pratiqué tels enseignements, elle s’en alla à Juriste, et le pria avoir compassion de son frère, et pour le peu d’âge d’icelui, d’autant qu’il n’avait encore seize ans, pour le peu d’expérience, et l’aiguillon d’amour, montrant que l’opinion des plus sages était que l’adultère commis par force d’amour, et non pour faire tort au mari de la femme, méritait moindre peine que qui le commettait pour faire injure : que l’on devait dire de même au fait de son frère, lequel ne voulant faire tort et injure, mais induit d’une ardente amour, avait fait ce pourquoi il était condamné, et que, pour réparer la faute commise, il était pour prendre la fille à femme. Et combien que la loi voulût que cela ne servît aux forceurs de filles, il pouvait néanmoins, comme sage qu’il était, mitiger cette sévérité, laquelle portait avec soi offense plutôt que justice, vu qu’il était en ce lieu, par l’autorité qu’il avait de l’empereur, la vive loi, laquelle autorité elle croyait lui avoir été baillée par Sa Majesté, afin qu’il se montrât, par l’équité, plutôt clément que rigoureux : que, s’il fallait user de ce tempérament, en quelque cas, ce devait être en cas d’amour, principalement quand l’honneur de la fille ou