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APPENDICE.

femme violée demeurait sauf, comme il était pour demeurer au fait de son frère, lequel était tout prêt à la prendre à femme : qu’elle pensait bien que la loi eût été établie telle, pour épouvanter et faire craindre plus qu’afin d’être observée ; qu’elle trouvait être une grande cruauté de vouloir, par la mort, punir le péché qui pouvait être honnêtement et saintement réparé, au contentement de l’offensée.

Et ajoutant autres raisons, elle tâcha d’induire Juriste à pardonner à ce malheureux.

Juriste, qui ne prenait pas moins de plaisir d’entendre le gracieux langage d’Épitia que de voir sa grande beauté, se fit redire une même chose deux fois, et atteint d’un sale appétit, il tourna sa pensée à commettre envers elle la faute pour laquelle il avait condamné Vico à la mort, et lui dit :

— Épitia, vos raisons ont tant servi à votre frère, que là où demain il devait avoir la tête tranchée, on différera l’exécution jusques à tant que j’aie considéré ce que vous m’avez dit, et si je trouve vos raisons telles, que je puisse délivrer votre frère, je le vous baillerai d’autant plus volontiers qu’il me fait mal de le voir conduit à la mort par la rigueur de la loi, laquelle a ainsi disposé.

Épitia eut bonne espérance de telles paroles, et le remercia fort de sa courtoisie, pour laquelle elle se tenait à jamais obligée à lui, vu qu’elle avait ferme espérance que, s’il considérait les choses dites, il la rendait fort contente par la délivrance de son frère. Juriste dit qu’il le ferait, et qu’il ne faillirait pas d’accomplir son désir, s’il le pouvait faire sans offenser la justice.

Épitia alla rapporter à son frère ce qu’elle avait fait avec Juriste, dont Vico fut bien aise, et pria sa sœur de solliciter toujours sa délivrance : ce qu’elle promit de faire.

Juriste, qui avait imprimé la beauté de la fille dans son