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SCÈNE III.

À Bolingbroke.

Après six hivers glacés, — retourne de l’exil dans la patrie, et tu seras le bienvenu.

bolingbroke.

— Que de temps dans un petit mot ! — Quatre hivers languissants et quatre riants printemps — tiennent dans une parole. Tel est, le souffle des rois !

jean de gand.

— Je remercie mon suzerain d’avoir, par égard pour moi, — abrégé de quatre ans l’exil de mon fils. — Mais je n’en recueillerai que peu d’avantage ; — car, avant que les six années qu’il doit passer loin de moi — aient varié leurs lunes et accompli leur révolution, — ma lampe privée d’huile et ma flamme épuisée — seront éteintes par l’âge dans la nuit éternelle ; — mon bout de lumignon sera brûlé et fini, — et la mort aveugle ne me laissera pas revoir mon fils.

richard.

— Bah ! mon oncle, tu as bien des années à vivre.

jean de gand.

— Pas une minute, roi, que tu puisses me donner. — Tu peux abréger mes jours par un sombre chagrin, — et m’enlever des nuits, mais non me prêter un lendemain. — Tu peux aider l’âge à sillonner ma face, — mais tu ne peux arrêter une ride en son pèlerinage. — Ta parole peut concourir avec l’âge à ma mort, — mais, mort, ton royaume ne saurait racheter mon souffle !

richard.

— Ton fils est banni par un sage verdict — auquel tu as, pour ta part, donné ton suffrage : — pourquoi donc sembles-tu protester contre notre justice ?

jean de gand.

— Les choses, douces au goût, deviennent aigres à la digestion. — Vous m’avez consulté comme juge ; mais