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RICHARD II.

— elles ajouteront un surcroît de chagrin à mon manque de gaieté. — Les souffrances que j’ai, je n’ai pas besoin de les redoubler ; — quant à celles que je n’ai pas, il est inutile que je m’en affecte.

première dame.

— Madame, je chanterai.

la reine.

Tant mieux, si tu as sujet de chanter ; — mais tu me plairais davantage, si tu voulais pleurer.

première dame.

— Je pleurerais, madame, si cela pouvait vous faire du bien.

la reine.

— Et moi aussi je pleurerais, si cela pouvait me faire du bien, — et je n’aurais pas à t’emprunter des larmes. — Mais chut !… voici venir les jardiniers. — Mettons-nous à l’ombre de ces arbres.


Entrent un Jardinier et deux Garçons.

— Je gage ma misère contre un cent d’épingles — qu’ils vont parler politique ; car ainsi fait chacun — à l’approche d’une révolution. Tout sinistre a de sinistres avant-coureurs.

La reine et ses dames se mettent à l’écart.
le jardinier, au premier garçon.

— Va rattacher ces abricots vagabonds — qui, comme des enfants indociles, font ployer leur père — sous le poids accablant de leur prodigalité. — Donne un support à ces branches fléchissantes.

Au second garçon.

— Toi, va, comme un exécuteur, — abattre les têtes des rameaux trop hâtifs — qui s’élèvent trop haut dans notre république. — L’égalité doit être partout dans notre gouvernement… — Tandis que vous vous em-