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HENRI IV.

deux plus francs couards qui aient jamais tourné le dos ; et quant au troisième, s’il se bat plus longtemps que de raison, j’abjure la carrière des armes. L’effet de cette farce sera dans les incompréhensibles mensonges que nous débitera ce gros coquin, quand nous serons réunis à souper : comme quoi il se sera battu avec une trentaine au moins ; à quelles parades, à quelles bottes, à quelles extrémités il aura été réduit ; et c’est dans le démenti final qu’éclatera la plaisanterie.

le prince henry.

C’est bon, j’irai avec toi ; prépare tout ce qu’il nous faut, et rejoins-moi ce soir à East-Cheap : c’est là que je souperai. Adieu.

poins.

Adieu, milord.

Poins sort.
le prince henry, seul.

Je vous connais tous, et je veux bien me prêter quelque temps — à l’humeur effrénée de votre désœuvrement. — En cela je veux imiter le soleil — qui permet aux nuages infimes et pestilentiels — de voiler au monde sa beauté, — afin d’être admiré davantage, lorsqu’après s’être fait désirer, — il consent à reparaître — en dissipant les sombres et hideuses brumes — de vapeurs qui semblaient l’étouffer. — Si les jours de fête rempplissaient toute l’année, — le plaisir serait aussi fastidieux que le travail, — mais, venant rarement, ils viennent toujours à souhait ; — et rien ne plaît que ce qui fait événement. — Aussi, lorsque je rejetterai cette vie désordonnée, — et que je paierai la dette que je n’ai jamais contractée, — plus je dépasserai ma promesse, — plus j’étonnerai les hommes. — Et, comme un métal qui reluit sur un terrain sombre, — ma réforme, brillant sur mes fautes, — aura plus d’éclat et attirera plus les regards — qu’une