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SCÈNE XII.

falstaff.

En ce cas, prends-le pour ta peine ; quand elle ferait vingt anges, prends-les tous ; je réponds des finances. Dis à mon lieutenant Peto de me rejoindre au bout de la ville.

bardolphe.

Oui, capitaine. Adieu.

Il sort.
falstaff.

Si je ne suis pas honteux de mes soldats, je suis un merlan mariné. J’ai diablement mésusé de la presse du roi. J’ai reçu, pour le remplacement de cent cinquante soldats, trois cents et quelques livres. Je ne presse que de bons propriétaires, des fils de gros fermiers ; je recherche les garçons fiancés, dont les bans ont été publiés deux fois, un tas de drôles douillets qui aimeraient autant ouïr le diable qu’un tambour, qui sont plus effrayés de la détonation d’une arquebuse qu’une poule frappée ou qu’un canard sauvage blessé. Je n’ai pressé que de ces mangeurs de beurrée, ayant au ventre un cœur pas plus gros qu’une tête d’épingle, et tous se sont rachetés du service ; et maintenant toute ma troupe se compose d’enseignes, de caporaux, de lieutenants, d’officiers de compagnies, aussi gueux, aussi déguenillés que ce Lazare en tapisserie dont les plaies sont léchées par les chiens du glouton ; des gaillards qui, en réalité, n’ont jamais été soldats ; des domestiques improbes renvoyés, des cadets de cadets, des garçons de cabaret évadés, des aubergistes ruinés ; vers rongeurs d’une société tranquille et d’une longue paix ; des chenapans dix fois plus déguenillés qu’une vieille enseigne rapiécée. Voilà les gens que j’ai pour remplacer ceux qui se sont rachetés du service ; vous diriez cent cinquante enfants prodigues en haillons, venant justement de garder les pourceaux