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SCÈNE I.

chair n’était pas à l’épreuve — des blessures et des plaies, et que son humeur aventureuse — le pousserait au plus fort du danger. — Pourtant vous lui avez dit : va ! et aucune — de ces graves appréhensions n’a pu faire obstacle — à votre inébranlable résolution. Qu’est-il donc arrivé, — qu’est-il donc résulté d’une entreprise si hardie ? — Rien de plus que ce qui était probable (52).

lord bardolphe.

— Nous tous qui sommes frappés par ce désastre, — nous savions que nous nous aventurions sur la mer la plus périlleuse, — et qu’il y avait dix à parier contre un que nous n’en réchapperions pas. — Pourtant, nous nous sommes aventurés, car le résultat espéré — étouffait la crainte du péril probable. — Et, puisque nous sommes désemparés, tentons de nouveau l’aventure. — Allons, hasardons tout, corps et biens.

morton.

— Il en est plus que temps. D’ailleurs, mon très-noble lord, — j’apprends, comme une nouvelle certaine dont je garantis la vérité, — que le bon archevêque d’York est debout (53), — à la tête de troupes bien disciplinées ; c’est un homme — qui attache ses partisans par un double lien. — Milord, votre fils n’avait pour combattre que les corps, — les ombres, les dehors des hommes : — car ce mot rébellion éloignait — leurs âmes de l’action de leurs corps ; — et ils ne combattaient qu’avec répugnance et par contrainte, — comme on avale une médecine. Aussi leurs armes seulement — étaient pour nous ; mais, quant à leurs esprits et à leurs âmes, — ils étaient glacés par le mot rébellion, — comme le poisson dans un étang gelé. Mais aujourd’hui l’évêque — fait de l’insurrection une religion : — réputé sincère et pieux dans ses idées, — il entraîne à la fois le corps et l’âme ; — il sacre sa révolte avec le sang — du beau roi Richard,