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SCÈNE II.

falstaff.

Éveiller un loup est chose aussi fâcheuse que de flairer un renard.

le grand juge.

Eh ! vous êtes comme une chandelle dont la meilleure partie est consumée.

falstaff.

Un flambeau de fête, milord, à bout de suif. J’ai pourtant, sans mentir, la qualité de sire.

le grand juge.

Il n’y a pas à votre face un poil blanc qui ne devrait vous inculquer la grâce de la gravité.

falstaff.

La graisse, la graisse, la graisse !

le grand juge.

Vous suivez partout le jeune prince, comme son mauvais ange.

falstaff.

Pas précisément, milord ; votre mauvais ange est léger (56) ; moi, au contraire, je suis sûr que quiconque me regardera seulement me prendra sans me peser ; et pourtant, sous certains rapports, je reconnais que je ne suis pas une espèce courante. La vertu obtient si peu d’égard dans ces temps mercantiles que le vrai courage se fait montreur d’ours. L’esprit se fait garçon de cabaret, et épuise sa verve à faire des comptes. Tous les autres dons propres à l’homme, faussés qu’ils sont par la perversité de ce siècle, ne valent pas une groseille à maquereau. Vous qui êtes vieux, vous ne prenez pas en considération notre caractère, à nous autres qui sommes jeunes ; vous jugez la chaleur de notre rate à l’aigreur de votre bile ; et nous qui sommes dans l’effervescence de notre jeunesse, je dois le confesser, nous sommes un peu mauvais sujets.

le grand juge.

Quoi ! vous inscrivez votre nom sur la liste de la jeu-