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HENRY IV.

royale pensée, mettez-vous dans cette situation ; — soyez le père et supposez-vous ce fils ; — écoutez l’outrage fait à votre propre dignité ; — voyez vos plus redoutables lois bravées avec une telle outrecuidance ; — figurez-vous vous-même ainsi dédaigné par votre fils ; — et imaginez-moi alors, moi juge, prenant votre parti — et, de par votre autorité, réduisant dignement votre fils au silence. — Après ce froid examen, jugez-moi, — et, comme vous êtes roi, déclarez, à ce titre, — ce que j’ai fait qui ne convînt pas à ma dignité, — à ma personne et à la souveraineté de mon prince.

le roi.

— Vous avez raison, juge, et vous pesez fort bien les choses. — Donc continuez toujours de tenir la balance et le glaive ; et je souhaite que, sans cesse comblé de nouveaux honneurs, — vous viviez assez pour voir un fils de moi — vous offenser et vous obéir comme je l’ai fait. — Puissé-je vivre ainsi pour répéter les paroles de mon père : — Bienheureux suis-je d’avoir un serviteur assez hardi — pour oser exercer la justice sur mon propre fils ; — et bienheureux suis-je également d’avoir un fils — qui livre ainsi sa grandeurau bras de la justice !… Vous m’avez mis aux arrêts ; — c’est pourquoi je mets à votre main — le glaive sans tache que vous êtes habitué à porter, — en vous recommandant d’en user — avec la même justice intrépide et impartiale — dont vous avez fait preuve à mon égard. Voici ma main ; — vous serez comme le père de ma jeunesse ; — ma voix proférera ce que vous soufflerez à mon oreille ; — et je plierai humblement mes volontés — aux sages directions de votre expérience. — Et vous tous, princes, croyez-moi, je vous en conjure. — Mon père a emporté mes folies dans sa tombe, — car c’est dans sa fosse que sont ensevelies mes affections premières ; — et moi, je survis gravement avec son esprit, — pour bafouer les